La belle aventure

Opera Mundi, la philosophie en permaculture

Discuter sur une agora, faire s’entrechoquer les idées, soulever des questions qui elles-mêmes soulèvent des questions qui elles-mêmes... C’est un peu ça, Opera Mundi. On pourrait dire que c’est une association qui organise des conférences autour des grandes questions qui bousculent notre époque, mais ce serait tellement réducteur.

Randonner avec des intellectuels à la recherche d’une île imaginaire, écouter parler les poissons avec un bio-acousticien, prendre l’apéro avec des philosophes et parler démocratie et intelligences artificielles… Un très joli inventaire à la Prévert ? Oui, un peu, mais surtout, un extrait du programme que concocte chaque année Opera Mundi à Marseille (et plus si affinités).

Opera Mundi expérimente, cherche de nouvelles passerelles pour que les idées circulent. Les idées, pas le savoir. Les cycles de conférences proposés ne cherchent pas à délivrer une vérité, mais à questionner et à croiser les regards.

« Opera Mundi, c’est beaucoup d’enthousiasme ». C’est ainsi que nous accueille Cécile Arnold, cofondatrice de l’association. Et c’est vrai qu’à l’écouter, c’est ce qu’on ressent. On pense aussi aux grands principes de la permaculture : essayer de faire mieux en mélangeant, ne pas être spectateur, mais faire partie du vivant, et respecter les écosystèmes. Opera Mundi, c’est de la pensée en permaculture.

Défricher

En 2014, La première saison intitulée « Le climat en question(s) », s’intéressait aux enjeux climatiques. Une réflexion en amenant une autre, Cécile Arnold et son binôme Eric Giraux, rejoints récemment par un troisième compère, Florian Jambou, cheminent encore autour du sujet. En fil rouge : comment cohabiter dans ce monde en étant moins impactant ? Pas de réponse dans les cycles de conférences. Que de questions et des hypothèses.

« On ne veut pas tout remettre en cause, mais s’interroger pour éviter la destruction du vivant. Ce qui nous mobilise, c’est de donner des éléments critiques, pour ouvrir des réflexions, amener à penser autrement », résume Cécile Arnold.

Faire un pas de côté, épouser un autre point de vue. « On a une façon de voir très binaire : l’humain d’un côté, la nature de l’autre. Notre regard est dénaturé, au sens strict : dissocié du reste du vivant. Mais si on le pense du point de vue d’un arbre, d’un iceberg, d’un poisson… La vision du monde change. »

Dans sa bouche, quand elle parle d’Opera Mundi, des mots reviennent. Enthousiasme, expérimentation, étonnement, pensée critique, diversité et partenaires.

Associer

Dans une autre vie, Cécile Arnold était chargée de communication de l’association Échange et diffusion des savoirs, qui organisait des cycles thématiques de conférences ouverts à tous.

Auteur et responsable des ressources pour la maison d’édition poétique cipM, Eric Giraux s’interroge à la même époque sur le rôle de l’art, qui pour lui n’est pas un levier suffisant pour « embrasser les grands enjeux contemporains ». Pour décloisonner la pensée, il faut croiser les disciplines. C’est l’acte de naissance d’Opera (en latin : « faire, activer la pensée, travailler ») Mundi (pour : « le monde »).

Opera Mundi, ce sont des rencontres entre des personnes, des points de vue, des opinions. Ce sont des pensées contradictoires qui se complètent et permettent à chacun de se forger son propre regard.

« Nous ne sommes pas juste des médiateurs, notre rôle c’est la mise en lumière de pensées différentes. Pas de pensée consensuelle, mais des débats, des réflexions, explique Cécile Arnold. On veut des penseurs de qualités, des défricheurs, capables de s’adapter à une diversité de publics, d’avoir des arguments compréhensibles par tous et de dialoguer avec le plus grand nombre. »

Semer des graines

Le public. C’est lui, le cœur du projet, l’ADN d’Opera Mundi. Toucher le plus large public possible, éviter l’entre-soi, c’est passer par des lieux différents, et créer des partenariats partout. De la grande Marseille aux petits villages du Luberon, des salles de conférences aux petites bibliothèques rurales, dedans, dehors, et même sur la mer s’il le faut.

« Ce qui compte, c’est de créer un lien d’émotion. C’est le plus important, que les personnes, des plus jeunes aux plus vieux, gardent un souvenir ». Cécile Arnold en est persuadée : « ça passe par l’émotion et la rencontre. »

Pour se nourrir des autres et susciter l’esprit critique, le binôme a imaginé les Apéros Mundi. Comme à Athènes pendant l’antiquité, le penseur invité n’a pas de piédestal et ne parle pas depuis une estrade. Après qu’il a parlé, pas de questions, mais une rencontre, simple, basique. « On discute un verre à la main. Comme une agora. C’est un espace de délibération. On fait société. » Et c’est vrai, la configuration s’y prête : On échange, on écoute, il y a une dynamique positive et les lignes bougent. Bref : on vit une émotion, on se crée un souvenir et on s’ouvre à d’autres points de vue.

Gérer ses ressources

En 2023/2024, toute la région et au-delà s’interrogera sur l’eau. Opera Mundi s’empare de cette question plus que jamais d’actualité. « On avait déjà touché le sujet du doigt, avec une sensibilisation des plus jeunes à la géophonie avec Frédéric Bertucci, un bioacousticien parti avec les enfants à l’écoute de la mer. »

La saison commence en octobre, mais dès septembre 2023, Opera Mundi, jamais à court de partenariat, participera au festival « Allez Savoir – Voyage en utopie », avec la présence de Jacques Rougerie, architecte océanographe concepteur de villes sous-marines. Un cycle de conférences pour s’interroger sur l’eau comme ressource, mais aussi sur la pollution, la biodiversité, les écosystèmes et enfin les enjeux géostratégiques, l’humain et la question des migrations. Comme d’habitude, un mélange de savoir et de savoir-faire. Des sciences sociales, mais aussi des explorateurs, des sportifs, des artistes, des récits et des témoignages. Et selon Cécile Arnold, toujours le même point d’ancrage : « raconter, provoquer la réflexion, faire rêver et pointer du doigt la fragilité des espaces. »

Opera Mundi
10 boulevard Garibaldi 13001 Marseille
07 82 41 11 84

http://www.opera-mundi.org/

On a demandé à Cécile Arnold vers quelle belle aventure elle souhaitait nous diriger. Elle nous a parlé de 1001 associations et de ses espaces de lecture ACELEM dans le quartier de la Viste, partenaires pour la séance de bioacoustique en mer avec les enfants. Nous nous plongerons bientôt dans leur univers !