Expérimentation et expertise. C’est ainsi que se présente la Cité de l’agriculture (ou « cité de l’agri »), association créée en 2015 pour valoriser un modèle de transition agroécologique. Basée à Marseille, elle a essaimé, mais la ville monde reste un terrain de jeu privilégié. C’est là, dans ses quartiers dits « difficiles » mais qu’on appellera plutôt populaires, que la Cité de l’agri a installé la Ferme Capri, en 2021. Une ferme urbaine un peu différente, qui s’attache à démontrer qu’on peut nourrir une population à proximité immédiate. Elle se donne aussi pour mission de sensibiliser, et de s’ouvrir à la recherche, générant des échanges fructueux entre des populations qui, d’habitude, ne se croisent pas tous les jours.
Une ferme pousse entre les tours
Le terrain est trouvé en 2019. La ferme s’implante dans le 15e arrondissement, entre les tours et l’autoroute.
Les premières concertations avec la population germent en plein covid, et l’idée séduit les habitants. On les comprend : d’autres projets étaient envisagés, parmi lesquels un parking ou une station essence.
La ferme Capri installe sur les 8 300 m² d’anciennes terres agricoles des plantations maraîchères et fruitières. Mais au-delà d’un projet agricole urbain, elle a une ambition qui allie le social à l’écologique.
« Le projet, c’est vraiment l’accessibilité à l’alimentation saine et locale, explique Élise Chaintrier, coordinatrice des publics à la ferme Capri.
On a fait une étude de marché autour de la ferme pour se mettre au niveau des prix du territoire, tout en gardant en tête que c’est un projet de maraîchage en sol vivant, avec des gens qui travaillent la terre ». L’idée n’est pas simplement de s’installer ici, mais de nourrir les habitants. Ils viennent chaque mercredi sur site, et une fois par mois à la ferme des Aygalades, non loin de là.
« Un outil pédagogique incroyable »
Très ancrée dans le quartier, la ferme Capri s’est donné une autre mission : celle de sensibiliser à l’alimentation et au maraîchage. L’idée, pour Élise Chaintrier, c’est « d’amener chacun à mettre les mains à la terre, voir comment ça marche, comment ça pousse, qu’est-ce que c’est qu’une graine. On veut donner envie de toucher, de faire, c’est de la pédagogie active ! » s’enthousiasme-t-elle.
Le lieu est, comme elle l’indique elle-même, « un outil pédagogique incroyable », régulièrement sollicité par les centres sociaux du quartier et des arrondissements proches, pour sensibiliser à l’alimentation durable.
À proximité, le groupe scolaire Saint-Joseph et le collège viennent récupérer du compost de la ferme pour leur propre potager dans l’établissement. Le compost, c’est pour Élise « le grand enjeu actuel ». La loi impose désormais que tous les quartiers soient équipés de composteurs, et la Ferme Capri vient en soutien, pour former et sensibiliser à l’usage du compost, et créer des habitudes pérennes. Enfin, la ferme accueille aussi des ateliers de cuisine parents-enfants, « pour enseigner la cuisine de saison, mais aussi apprendre à reconnaître et à valoriser les plantes sauvages et aromatiques. »
Enrichir la biodiversité
Si la ferme Capri n’a pas le label bio, c’est surtout une question de priorité et de choix plus que de qualité. Preuve en est, la troisième ambition qu’elle s’est fixée : une mission de recherches scientifiques. Depuis le début en effet, la Ferme Capri sert à nourrir les scientifiques autant que les habitants. Les élèves du Centre Européen de Recherche et d’Enseignement de Géosciences de l’Environnement (CEREGE) viennent y faire des relevés pour sonder la pollution et la qualité du sol. Depuis l’année dernière, le groupe d’études et de recherches de Microbiologie et de l’Environnement (GERME) étudie la biodiversité du site, notamment via l’enregistrement des ultrasons, pour vérifier la présence de chauves-souris. Enfin, avec le Geres (ONG Marseillaise qui défend la solidarité climatique), la ferme travaille actuellement à la création d’une serre bioclimatique. Pour Élise Chaintrier, « c’est vraiment une chance d’avoir de tels partenaires scientifiques. Ils nous fournissent des informations riches et utiles, très utiles, notamment pour la sensibilisation et qui valident la qualité des sols, et donc, des produits cultivés. »
Il y a ici près de 50 espèces, sans doute plus avec le jardin botanique et la haie que la ferme vient d’installer. Une haie qui, avec la mare et le nouveau mur de pierres sèches, sont autant d’espaces ressources pour la biodiversité… entre les tours et une autoroute. Oui.
La ferme Capri
31, avenue de Gascogne, 13015 Marseille
On a demandé à Elise Chaintrier vers quelle belle aventure elle souhaitait nous diriger et elle nous a parlé d’un endroit « très marseillais » : Le Grisbi, d’Alex Galan.