Elle dit qu’elle ne sait pas dessiner, qu’elle n’a jamais pris de cours, qu’elle n’a aucune culture artistique. Pourtant, ses premières peintures remontent à ses 5 ans et son petit studio marseillais, mais aussi la chambre d’ado qu’elle a toujours chez sa mère, sont remplis de ses toiles.
« Je me revois en train de faire de la peinture en attendant ma maman à la fin de l’école maternelle. Petite, je jouais tout le temps au foot et comme j’étais très turbulente, on me confisquait souvent mes ballons, alors il fallait que je m’occupe autrement. J’ai commencé à peindre. »
Puis Émilie grandit et délaisse ses pinceaux. En 2018, elle passe son bac et s’octroie une année sabbatique. Elle se cherche, se fatigue psychologiquement, a besoin d’une sortie de secours. « Je suis allée acheter des toiles, j’ai repris la peinture. » La jeune écorchée vive enchaîne alors les œuvres, les poste sur Instagram et s’étonne des retours très positifs. Elle vend même trois toiles et réalise alors que son travail peut plaire aux autres. « Pour moi, je n’avais pas le physique ni la personnalité pour faire de la peinture. »
Passion et fulgurances
Fan de l’Olympique de Marseille et elle-même joueuse de foot assidue, Émilie se voit d’abord footballeuse professionnelle. « C’était une passion, j’avais la rage de vaincre, de gagner. Encore aujourd’hui, quand l’OM marque un but, je pleure. »
Et la peinture ? « La peinture, ça n’est pas pareil, je ne dirais pas que c’est une passion, c’est une sorte de nécessité vitale, ça me prend comme ça. Un jour, j’étais partie en bateau avec des amis, on est rentrés vers 3 heures du matin, la mer était calme, tout était noir, on voyait des reflets sur l’eau, le plancton, c’était très beau. Dès que je suis rentrée, j’ai mis la musique du film Le Grand Bleu, j’ai sorti une toile et j’ai mis du bleu clair, du noir, du blanc. J’ai intitulé mon tableau Le Grand Bleu. Aujourd’hui, je ne l’ai plus, il a été vendu. »
Peindre, ça ne se commande pas, ça vient comme ça chez Émilie, comme une envie de crier ou un besoin d’extérioriser des émotions trop fortes. Plus récemment, c’est avec un ami professeur de piano qu’elle est allée se promener dans les hauteurs du quartier Périer. Elle avait pris son chevalet, lui son clavier. « Il a commencé à composer et je me suis mise à peindre en fonction de ce que m’inspirait sa musique. C’était une expérience incroyable ! »
Techniques et cartes de visite
Sur ses toiles de lin, Émilie Pagano applique sa peinture acrylique, se laissant guider par ses tripes. « Dès que je suis dans une dynamique propice, je mets une musique que j’aime, assez mélancolique en général. Ça me met dans un état d’esprit particulier et ensuite, j’envoie la pâte. Au début, je peignais avec des pinceaux que je ne lavais jamais, ils étaient toujours très secs, abîmés, alors une fois, j’ai pris une carte de visite de mon père et je me suis mise à peindre avec. Ça a donné un résultat étonnant et c’est devenu mon style. J’ai depuis acheté des lames à lisser pour enduit qui me permettent d’obtenir le même effet. »
Pour commencer à faire connaître ses œuvres, alors qu’elle n’avait pas 20 ans, la jeune artiste a créé un premier site internet marchand sur lequel elle s’est mise à vendre… des tee-shirts ! « Je voulais faire connaître mon travail, mais autour de moi, les potes ne s’intéressaient pas à l’art, alors j’ai eu l’idée de faire imprimer mes tableaux sur des tee-shirts. » Le subterfuge fonctionne. Les amis sont admiratifs, la famille est fière. Peu à peu un réseau se tisse autour du travail d’Émilie.
Icône en devenir
Sur chaque photo, chaque vidéo qu’elle poste sur Instagram, Émilie se montre en train de peindre (ou pas) dans des postures qui ne doivent rien au hasard. Elle a la classe, l’amour des fringues bien coupées, le sens de la mise en scène. Peintre en bâtiment depuis quelques mois, elle se rêve actrice, s’est d’ailleurs formée pour, a fait de la figuration ici et là, décroché quelques rôles de silhouette dans des pubs et courts-métrages et se prend à y croire. Son souhait le plus cher ? Rendre ses parents fiers, rester en bonne santé, sentir de la reconnaissance dans le regard des autres. Réussir dans le cinéma. Réussir dans la peinture. Réussir tout court. « Réussir pour moi, c’est soit avoir une certaine notoriété, soit gagner de l’argent. Pas tellement pour moi, mais pour aider les autres, ça a toujours été important pour moi. Chaque jour, j’essaie de faire une bonne action. Depuis petite, j’ai toujours voulu réussir. »
https://paganopaintnogain.store
Émilie nous a conseillé d’aller à la rencontre de Cerise Steiner, sa patronne, qui a créé le collectif des Fabricoleuses pour féminiser le bâtiment.