La belle aventure

La douce musique des quartiers durs

Quand elle n’est pas derrière son pupitre, elle participe à l'éveil musical des tout petits de l'école maternelle de Saint-Henri Nouvelle dans les quartiers nord de Marseille, les initie aux instruments de musique et leur fait découvrir les classiques incontournables. En un mot : elle leur transmet sa passion

Bachelor of Arts in Music et titulaire d’un master de pédagogie de la haute école de musique de Lausanne, Eléonore Begueiria est violoncelliste. Concertiste, elle se produit dans diverses formations en France, en Suisse, en Allemagne et en Angleterre. Parmi les structures locales avec lesquelles elle collabore : le Ballet National de Marseille et l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Mais depuis 2015, en parallèle de sa brillante carrière de musicienne, elle mène une action pédagogique auprès des tout-petits. C’est dans ce cadre qu’elle a débuté l’année dernière un travail d’éveil musical avec l’école maternelle de Saint-Henri Nouvelle sous l’égide de son directeur, Paul Azzopardi. Un projet qui a vu le jour sur une initiative de Bruno René, directeur de la Maison de la musique de la mairie du 15e et 16e avec le soutien de Nadia Boulainseur, maire de ces deux arrondissements.

Tout un monde à découvrir

Eléonore est catégorique : « Initier les enfants à la musique dès leur plus jeune âge est fondateur. Cela leur permet d’avoir une première écoute de la musique, de développer leur imaginaire et d’éveiller leur curiosité. Ce premier pas dans le monde musical a de multiples vertus tant au niveau auditif que visuel. » Avec leur jeune professeure, les écoliers peuvent entendre, regarder, palper et manipuler les percussions, les maracas, le güiro et les claves, mais ils découvrent aussi des instruments fabriqués à la main par Eléonore elle-même : par exemple des balles de ping-pong et des tubes remplis de graines. Soucieuse de faire de ces heures partagées avec les enfants un moment agréable, la violoncelliste applique une démarche à la fois pédagogique et créative. Des symboles permettent aux enfants de faire la distinction entre sons aigus (les oiseaux) et sons graves (les éléphants), entre instruments à vent et instruments à corde. Et lorsqu’elle leur présente son violoncelle – instrument de musique parmi les plus grandioses – les enfants sont souvent ébahis.

Rire avec Mozart, pleurer avec Beethoven

Wagner, Bach, Mozart, Beethoven et Vivaldi font désormais partie du quotidien des minots de Saint-Henri. Et avec ces compositeurs majeurs, c’est tout un panel d’émotions qui entre dans la salle de classe : tristesse, mélancolie, surprise, joie. Le rire est aussi de la partie, car Eléonore a une approche très ludique de la musique. Le chanteur d’opéra dans Papageno de La flûte enchantée de Mozart rencontre toujours un bel accueil. « Ces expériences musicales variées affinent leur ouïe et enrichissent leurs connaissances. »

Éléonore accorde également une attention particulière au travail vocal et au chant. Elle encourage le développement de l’expression chez les enfants, leur permettant ainsi de gagner en assurance. Tandis que certains chantent à tue-tête, d’autres sont dans l’observation. « Le travail autour de la voix et du chant favorise le développement de l’expression et permet aux enfants d’avoir plus d’assurance. Certains sont timides, n’osent pas parler ; chanter les libère et leur donne une place pour s’exprimer ! »

Parenthèse enchantée

La joie qui s’affiche sur le visage des petits quand ils la voient arriver en classe témoigne de l’impact positif que la professeure passionnée a sur eux. « Afin de terminer mes séances en douceur, je propose un exercice de relaxation pendant lequel les enfants se laissent porter par le hang, une percussion aux sonorités zen. Un enfant est désigné pour jouer le rôle de l’oiseau du repos qui parcourt chaque élève en les touchant doucement sur l’épaule ou le dos. Pendant ce temps, les autres enfants respirent profondément, savourant le moment. » Après les cours d’éveil, l’aventure continue à la maison. Certains enfants parlent de musique avec leurs parents, d’autres se mettent en scène et proposent de petits spectacles à leur famille. Et d’ici quelques années, certains auront peut-être envie, comme elle, de faire de la musique leur métier. Un doux rêve qui berce Eléonore.