Installé entre le Maroc et la France, Taoufiq Izeddiou est le directeur artistique de la compagnie Anania, première formation en danse contemporaine marocaine, qu’il a fondé en 2003. Il est également l’organisateur du festival “On Marche” lancé en 2005 à Marrakech, sa ville natale. En France, c’est à Aix-en-Provence, avec le théâtre du Bois de l’Aune, que Taoufiq produit ses œuvres. Pionnier, le chorégraphe l’est de multiples façons : au fil des ateliers et résidences qu’il réalise, il crée des spectacles avec le public, installe sa scène dans la rue ou danse en échange de nourriture. Ses œuvres artistiques participatives lui permettent de gommer la frontière entre l’imaginaire et le réel, entre le public et la scène. La solidarité et l’humanisme sont souvent de la partie, la transe aussi.
En 2015, Taoufiq Izeddiou invite une trentaine de femmes issues du quartier populaire du Jas de Bouffan à Aix-en-Provence à entrer en scène dans le cadre de son projet Une Autre Danse. Une proposition qui met en lumière celles qui, d’ordinaire, restent dans l’ombre. Son objectif : leur permettre d’inventer une danse qui leur parle et leur ressemble, leur offrir l’espace pour imaginer, improviser et créer. « J’aime la richesse des corps, des âges et des expériences, cela nourrit ma création, requestionne mon idée de départ. Je reçois beaucoup quand je travaille en direct avec des gens qui ne sont pas des danseurs. »
Taoufiq poursuit sa quête de création en 2019 avec Danse contre nourriture, projet pour lequel il s’invite chez les gens et danse pour eux en échange d’un repas. Derrière ce prétexte, se cache l’envie de partager et discuter de tout, de rien, d’art et d’esthétique, dans une ambiance conviviale et fraternelle. La danse devient une monnaie d’échange, mais aussi une manière de reconsidérer l’habitat – une question chère à Taoufiq. Il y revient d’ailleurs en 2022 avec un spectacle à ciel ouvert, 100 pas Presque, réalisé en collaboration avec le musicien Pascal Charrier. Déambulation permettant de se réapproprier l’espace public, cette nouvelle performance étonne et questionne. Sur la place des Prêcheurs à Aix-en-Provence, amateurs et professionnels ralentissent le pas pour parcourir l’espace avec une lenteur étudiée. L’exercice, tout en retenue, laisse peu à peu place à la maîtrise, au lâcher prise et à la transe. « Je crois que les danseurs ne peuvent pas rester qu’entre eux, c’est une urgence pour la continuité de la danse en général. Les non professionnels ne sont pas formatés, ils ont un autre regard sur cette discipline et nous invitent à ouvrir les yeux sur ce qu’est la danse avec un grand D. »
Les œuvres de Taoufiq questionnent l’individu et la communauté, le cheminement personnel et la foule, l’espace public et intime. Véritables invitations à se mettre en scène, elles nous rappellent que la vie est une danse perpétuelle dont il faut suivre le tempo.