Prélude de Bach au petit matin tandis qu’au loin, le Frioul émerge de la brume lumineuse. Sérénade de Schubert, le clavier posé sur un rocher où l’eau affleure. Nocturne de Chopin alors que les dernières rougeurs du soleil disparaissent dans l’azur scintillant de la Méditerranée. Lucas est un jeune homme qui aime les grands classiques (mais aussi les musiques de film), les calanques, la mer et les couchers de soleil.
Premières notes
Né à Marseille dans le quartier de la Belle-de-Mai, Lucas découvre le piano chez sa tante qui le trouve doué pour cet instrument. À l’école, sa petite amoureuse de l’époque en joue elle aussi, alors il se décide. Il a 8 ans. Conservatoire, cours de solfège, pratique quotidienne assidue, auditions, concours… Lucas effectue un parcours d’excellence qui l’accable parfois. La pression est grande et le rythme soutenu. Plus d’une fois, il songe à arrêter, mais sa mère le maintient à flot : il a du talent, il doit continuer. C’est à son entrée en études de médecine que le jeune homme commence à composer ses propres morceaux, juste après le décès de sa grand-mère paternelle. Jouer est une consolation, il y jette sa peine. Lui qui se rêve ophtalmo obtient finalement un diplôme d’ostéopathie, mais la passion de la musique prend le dessus, Lucas décide de s’y consacrer pleinement, devient professeur de piano.
Prendre le maquis
Tout petit, se promener dans les calanques avec ses parents était une corvée, mais depuis la fin du confinement – qu’il a vécu seul dans son appartement, à composer et travailler son instrument – Lucas a pris l’habitude de se rendre au moins une fois par semaine dans les collines et les massifs environnants. Une façon agréable de faire du sport, un moyen de se ressourcer aussi et l’occasion de méditer, seul face à la beauté minérale et végétale. La nature l’apaise et l’inspire.
Un jour, alors qu’il chemine entre les roches calcaires avec des amis, il se dit que ce serait fou de prendre son piano et de jouer comme ça, au cœur de la garrigue, dans le blanc lumineux ponctué de genêts et de pins maritimes. Derrière lui l’immensité, devant, une vue à vous déchirer l’âme. Rapidement, vient l’idée de filmer ces interprétations intimistes, de partager ces instants sur le réseau social Instagram et, pourquoi pas, de se faire connaître par ce biais. Lucas se lance : le pianiste des calanques est né.
Moments suspendus
Chaque moment passé dans les calanques à jouer est pour Lucas d’une intensité indescriptible. Son piano numérique est lourd, mais il est surtout très long et donc encombrant. C’est un petit fardeau peu pratique à transporter, mais le jeu en vaut la chandelle. Chacune de ces séances filmées est la source d’une joie profonde. Un jour, au pied de Notre-Dame-de-la-Garde, alors qu’il improvise sur une sérénade de Schubert, que le ciel s’assombrit et que la ville s’illumine, un vieil homme s’arrête pour écouter. Le morceau terminé, il se met à pleurer doucement. Lucas en frissonne encore. Son plus beau souvenir, c’est un morceau joué sous la croix du sommet de Marseilleveyre. Le plus insolite, c’est un autre exécuté dans une grotte vers Luminy, tout près du chemin menant à Sugiton. Ces deux séances-là, il n’a pas pu les filmer à cause du vent. L’aspect technique est parfois contraignant. La scène est captée par un ami au téléphone portable et il peut arriver que le son soit finalement inexploitable, mais quand il l’est, l’émotion est incomparable. Aux mélodies du pianiste des calanques, viennent se mêler le murmure du ressac, le bruissement des arbres, le sifflement des oiseaux…
Poète du présent, artiste en devenir
Un jour peut-être, Lucas Pironti organisera des mini-concerts dans ses chères calanques devant un petit public choisi avec soin. Pour ces randonneurs privilégiés, le pianiste jouera ses compositions – il en a une quinzaine à ce jour. Lucas envisage également de s’éloigner des calanques pour faire découvrir les lieux emblématiques de Marseille et des alentours sur Instagram au fil des endroits insolites où il aura installé son clavier : la cathédrale de la Major, le parc Longchamp, le Garlaban… En attendant, il continue à donner des cours de piano avec un enthousiasme débordant et à sillonner criques et collines à la recherche de lieux toujours plus magiques. Le piano nomade n’est pas près de se sédentariser.
@lucaspironti
Lucas nous a conseillé d’aller faire un tour du côté du travail d’Emilie Pagano, qui peint comme elle respire, à découvrir ici…