La belle aventure

Venus d’ailleurs pour le meilleur

Depuis la rue, il y a ce rond qui attire, sur la vitrine. En son centre, cinq lettres : M.o.u.n.é. Un nom doux, en harmonie avec ce que l’on perçoit de l’intérieur : bouquets de fleurs séchées sur les tables de bois clair, bocaux de produits fins sur les étagères délicates, tonalités tendres sur tous les murs.

Gens d’ailleurs

C’est au début des années 2000 que Najla découvre Marseille. La cité méditerranéenne est encore endormie, tout reste à inventer. Issue d’une famille libanaise francophone, la jeune fille, qui bénéficie de la double nationalité franco-libanaise, fait à l’époque des études de cinéma à Paris. En 2004, la jeune femme retourne parmi les siens au Liban, rencontre Serje et avec lui, revient visiter Marseille en 2013. Cette année-là, la labellisation « capitale européenne de la culture » commence à faire bouger les lignes, mais Marseille n’est pas encore la ville « tendance » qu’elle est devenue depuis… alors quand Serje et Najla annoncent à leurs amis et familles qu’ils ont décidé de venir s’y installer, le scepticisme est total. Mais la décision du jeune couple est prise et leur projet est précis : importer leur culture culinaire en France, la faire découvrir dans un bar à vin où ils proposeraient cocktails et petites assiettes à partager. Après avoir obtenu leurs visas et vendu leurs derniers meubles, Serje et Najla font une fête à Beyrouth pour marquer leur départ vers une nouvelle vie. Et comme le destin tient à peu de choses, il se trouve qu’un couple de Français qui y participe vient du quartier d’Endoume à Marseille ! La coïncidence est trop belle, iIs proposent à Najla et Serje de les accueillir chez eux.

De l’image à l’assiette

Ce nouveau projet est un virage à 180 degrés : au Liban, Serje était photographe et Najla travaillait dans l’audiovisuel…. La jeune femme dit cependant avoir toujours cuisiné. Quand elle vivait à Paris, elle appelait sa mère pour lui demander des conseils, quand elle a commencé à s’intéresser à la cuisine, elle a beaucoup questionné sa grand-mère sur les vieux plats que celle-ci avait l’habitude de préparer, puis un chef au Liban lui a appris des recettes traditionnelles oubliées. 

De son côté, Serje est heureux de cette reconversion, il prend un grand plaisir à aider à la préparation et à s’occuper du service en salle. Il se décrit comme celui qui dirige les clients vers un plat, qui en explique l’origine, les ingrédients, qui donne envie de découvrir de nouvelles saveurs, celui aussi qui met à l’aise, qui plaisante avec les clients et prend soin d’eux.

L’intégration par Mouné

Après quelques mois de recherches et de nombreuses visites, le couple trouve enfin un local rue Fortia, dans le quartier du palais de justice. Le quartier se prête à une restauration du midi, Serje et Najla décident de changer légèrement leurs plans et d’ouvrir un restaurant dans lequel ils accueilleraient les clients comme ils recevraient des amis. « Mouneh », en arabe, sert à désigner l’ensemble des provisions préparées pour passer l’hiver, mais pour découvrir les recettes de Najla, les quatre saisons ne sont pas de trop. Chacune apporte son lot de produits frais dont sont constitués les plats de la talentueuse cuisinière qui élabore ses menus au jour le jour, en fonction des arrivages. Les légumes proviennent d’une ferme urbaine située à Sainte-Anne à Marseille, la viande, éthique et française, est fournie par un boucher de Frontignan dans l’Hérault, qui est également éleveur. Tout, chez Mouné, s’inscrit dans le circuit court et les produits sont bios et de saison, si bien que le petit restaurant vient de recevoir la labellisation écotable.

Ici, pas d’assortiments de mezzés miniatures adaptés au goût des Français. Najla revendique une cuisine très personnelle, authentique, faite à son goût avec une base traditionnelle. Moutabal de butternut à l’ail rôti et agrumes, salade de côtes de blettes au tahini, sambousseks, crème d’ail, feuilles de vignes, gigot d’agneau de sept heures au ras el-hanout, purée de potimarron… les saveurs se suivent et ne se ressemblent pas, nous emmenant chaque jour un peu plus loin dans la découverte d’une merveilleuse culture culinaire.

 

Serje et Najla nous invitent à contacter La Laiterie marseillaise, une super laiterie créée par des femmes…

crédit photo portrait Serje et Najla : Vérane Frédiani