Mahn Kloix vit depuis dix ans à Marseille. Ses œuvres, parfois monumentales, peuvent atteindre jusqu’à vingt mètres. Elles peuplent le quartier du Cours Julien, dans lequel il vit, mais aussi celui de la Belle de Mai. Peinture à la bombe et trait épuré tel un fil permettant de tisser un portrait, voilà ce qui caractérise son travail, reconnaissable au premier regard. Les projets de Mahn Kloix démarrent toujours par une rencontre et racontent des histoires vraies.
Peindre pour dénoncer
C’est assumé : Mahn Kloix est un défenseur de la liberté d’expression et de l’ouverture d’esprit. Son art est un moyen de promouvoir la tolérance et la compréhension entre les individus, quels que soient leurs origines et leur genre. Les aventures des autres deviennent ainsi son aventure, celle qu’il imprime sur les murs de Marseille, Paris et d’autres villes du monde. En point de départ : beaucoup de recherches journalistiques et de récits qui sont autant de sources d’inspiration. En fil conducteur : la résilience. « Je parle de gens qui mènent des combats, qui ont une histoire complexe. » C’est le cas de Shaza et Jimena qu’il a peintes sur les murs de de Paris en 2018. Deux amantes qui ont dû fuir la désapprobation d’un père et s’échapper de Dubaï où l’homosexualité est passible de la peine de mort. Après quelques jours dans une prison turque, le ministère des affaires étrangères espagnol les fait libérer… « Cette histoire m’a beaucoup inspirée parce que je la trouve très révélatrice des contradictions et des évolutions de notre monde actuel. Certains pays acceptent l’homosexualité tandis que d’autres infligent la peine de mort. Dans un monde qui s’est libéralisé au niveau des transports, une heure trente séparent ces extrêmes. Nous sommes face à une sorte de Roméo et Juliette sur fond de mondialisation. »
Rendre hommage et faire connaître
Sur d’autres murs, d’autres histoires, celle de la chanteuse kurde Nûdem Durak par exemple. Cette jeune femme, devenue un symbole, a été condamnée en 2020 à une dizaine d’années d’emprisonnement par le gouvernement turc pour avoir chanté dans une manifestation kurde. Mahn Kloix décide de lui rendre hommage en la peignant accompagnée de sa guitare sur une façade de plusieurs mètres de haut à Marseille. « J’avais à peine fini cette fresque que le nom de la jeune fille était partagé sur les réseaux sociaux. Un comité de soutien s’en est saisi, la famille a été informée et son frère lui a montré la fresque en prison. La boucle était bouclée. » La satisfaction se lit sur le visage de l’artiste. Parfois ce sont des structures qui font appel à lui, à l’instar de l’Auberge Marseillaise, lieu de refuge et de répit pour les femmes et personnes issues de diversités ayant subi des violences et où de nombreuses mères sont accueillies avec leurs enfants. L’œuvre réalisée pour l’Auberge Marseillaise représente cette fois-ci des anonymes : une mère chuchotant à l’oreille de sa fille. « Une atmosphère rassurante et pleine d’espoir se dégage de cette œuvre qui est plus métaphorique que journalistique. C’est une approche qui me plaît beaucoup et vers laquelle je suis en train de me diriger. » En attendant, Mahn Kloix réalisera au cours de l’été 2023 une fresque pour Amnesty International. En toute modestie, plus engagé que jamais.
Nous avons demandé à Mahn Kloix à quelle belle aventure il nous conseillait de nous intéresser, il nous a bien sûr invité à aller faire la connaissance de L’Auberge marseillaise.